Adoption du projet de loi 65

Le 11 mars dernier, le gouvernement québécois adoptait le projet de Loi 65 piloté par le Ministère de l’Environnement et de la lutte contre les changements climatiques (MELCC). Le Ministère vise, avec cette nouvelle Loi, à fixer le cadre réglementaire nécessaire pour moderniser les systèmes de consigne et de collecte sélective actuellement en vigueur au Québec. Des règlements viendront ultérieurement fixer les détails de cette modernisation. Ce nouveau cadre réglementaire aura un impact sur les entreprises du secteur laitier québécois. Ces impacts seront différents selon que l’entreprise œuvre dans le domaine du lait à boire ou des produits laitiers tel que le fromage, le yogourt ou le beurre.

Le CILQ est satisfait de l’avancement des travaux sur le volet de la modernisation de la collecte sélective malgré l’ampleur du projet. Éco Entreprises Québec joue un rôle de leadership certain et développe ses positions et actions en étroite collaboration avec les associations visées par ce projet, dont le CILQ.

Il en est autrement dans le dossier de l’élargissement de la consigne. La cohésion entre les détaillants et les associations d’entreprises productrices de boissons sur certains éléments du futur système de consigne est difficile. De plus, les laiteries du Québec questionnent la pertinence et l’efficience d’inclure les contenants de produits laitiers dans le système de consignation.

Le MELCC considérait qu’il était venu nécessaire de moderniser le système de consigne en vigueur depuis 1984 étant donné l’évolution importante de l’offre de produits « prêts à boire » et de la consommation hors foyer. Quant à la collecte sélective, le manque d’imputabilité envers les entreprises qui financent ce système,  le manque de vision globale ainsi que la perte de confiance du public envers la collecte sélective ont motivé le MELCC à réformer ce système de gestion des matières résiduelles post-consommation.

Par sa réforme, le MELCC introduit le concept de « responsabilité élargie des producteurs ». Ce concept étend les obligations du producteur à l’égard des emballages qu’il utilise pour mettre en marché ses produits jusqu’après sa consommation. En d’autres mots, les producteurs seront responsables d’élaborer, de mettre en œuvre et de financer les systèmes et d’atteindre les résultats escomptés. Dans le nouvel environnement réglementaire québécois, les producteurs visés par l’élargissement de la consigne ou la modernisation de la collecte sélective seront responsables de leur système respectif de gestion des matières résiduelles.

La nouvelle Loi permettra l’élargissement de la consigne à tous les contenants de boissons de 100 ml à 2 L, une augmentation des montants de la consigne et une uniformisation de ceux-ci. La mise en application du nouveau système de consignation est fixée pour décembre 2022 pour l’ensemble des contenants visés sauf, les contenants multicouches (comme ceux utilisés pour le lait) dont l’application d’une consigne sur ces derniers est plutôt prévue pour 2024. 

D’ici là, les entreprises visées par l’élargissement de la consigne doivent définir les règles applicables au déploiement et au fonctionnement du système de consigne.  Pour ce faire, les diverses associations d’entreprises visées par l’élargissement de la consigne se sont regroupées sous un consortium pour accomplir cette tâche sous la supervision de RECYC-QUÉBEC. Plusieurs travaux devront être complétés d’ici la mise en application du nouveau système de consigne dont entres autres,

  • le développement des lieux de dépôt,
  • le déploiement de projets pilotes et l’analyse des résultats,
  • le traitement des contenants laitiers,
  • le mode de remboursement de la consigne,
  • la position des détaillants sur la reprise des contenants ,
  • l’analyse des résultats de l’étude sur le comportement des consommateurs,
  • le déploiement du plan de communication aux citoyens,
  • et la gouvernance du futur organisme qui devra être créée pour gérer le futur système de consigne.

Relativement au lieu de dépôt des contenants consignés, les détaillants et les autres membres du consortium divergent d’opinion. Alors que les producteurs de contenants de boissons privilégient le maintien du système de retour des contenants consignés aux détaillants pour faciliter la vie des consommateurs et minimiser les coûts, les détaillants rejettent l’idée de jouer ce rôle et favorisent le déploiement de centres de dépôts sur l’ensemble du territoire.

Au niveau des contenants de lait, le CILQ remet en question les bénéfices d’inclure les contenants de lait dans l’élargissement de la consigne. Actuellement, ces contenants sont pris en charge par la collecte sélective. Leur taux de récupération est déjà supérieur aux objectifs de récupération ciblés par le MELCC et leur transfert vers la consignation augmenterait de façon significative les coûts de système pour les laiteries sans bénéfice pour l’environnement.

Une des motivations du MELCC d’élargir la consignation visait à résoudre le problème de la récupération des contenants de boissons consommés hors foyer.  Or, les produits laitiers ne sont pas, ou très peu, consommés hors foyer.

Enfin, l’application des coûts associés au financement du système de consignation (consigne et éco frais) pourrait impacter au-delà de 10% le coût du lait vendu au détail. Dans un contexte où le lait est considéré comme un aliment essentiel à une bonne alimentation et que le cadre réglementaire laitier du MAPAQ assure un accès aux plus démunis par le contrôle des prix à la suite de consultation publique, le projet d’inclure les produits laitiers sous le régime de la consigne est incohérent et improductif selon le CILQ. 

Le CILQ, en collaboration avec Agropur, compte poursuivre leurs discussions avec les autorités pour les convaincre d’exclure le lait du système de consignation. Le secteur laitier reçoit d’ailleurs, à cet égard, l’appui des autres associations de boissons visées par la consigne. Nous espérons que le gouvernement sera réceptif aux demandes du CILQ.

Quant à la réforme du système de collecte sélective, ÉEQ et les différentes associations d’entreprises visées par la modernisation de la collecte sélective reçoivent positivement l’adoption de la Loi 65 qui assurera les fondements de cette réforme. « Ce projet de Loi marque la fin du statu quo pour les entreprises qui financent le système depuis 15 ans sans en avoir le contrôle », a affirmé ÉEQ dans son communiqué. « L’objectif de cette réforme est de placer les entreprises au cœur du système de collecte sélective en leur donnant l’entière responsabilité pour les contenants, emballages, imprimés et journaux (CEIJ) qu’elles mettent sur le marché, soit de la conception jusqu’au recyclage et en privilégiant l’accès aux marchés locaux dans une perspective d’économie circulaire. Enfin, avec la REP, les entreprises ne seront plus uniquement responsables de financer un système qui a atteint ses limites. » (extrait du communiqué d’ÉEQ)

La mise en application du nouveau système de collecte sélective est prévue pour décembre 2024. Entre aujourd’hui et le 31 décembre 2024, les entreprises visées par la collecte sélective, en étroite collaboration avec ÉEQ, s’appliqueront à déployer les règles de fonctionnement et de gouvernance du futur système de collecte sélective. 

Le CILQ espère que la modernisation de la collecte sélective se fera sans occasionner de coûts supplémentaires aux entreprises visées, en particulier pour ses membres. Le CILQ poursuit son implication dans ce dossier.